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Désintoxiquer la France de la dette : la mission la plus difficile de M. Macron

La situation n'est pas aussi noire que le prétend M. Philippe, mais de grandes réformes sont en effet nécessaires

Emmanuel Macron a choisi le décor tout de dorures de Versailles pour faire son premier discours devant les chambres, appeler à des modifications de la Constitution et à une “transformation profonde” de l'économie française. Il est revenu à son premier ministre Edouard Philippe d'épeler ce que cela signifie à court terme pour la politique budgétaire française : un gel des salaires de la fonction publique, des cigarettes plus chères, un délai d'attente avant les allègements de taxes et charges promises durant la campagne électorale. Le président français veut restaurer la fonction présidentielle mais il cultive une autre tradition française : celle du chef de l’État français qui vole la vedette à son chef du gouvernement, chargé d'annoncer les mauvaises nouvelles.  

A écouter le premier ministre, les finances de la France seraient dans un état désastreux. La France est ''dans les cordes'' et ''danse sur un volcan'' a-t-il dit. Une cure de désintoxication pour son ''addiction'' à la dette est nécessaire de toute urgence. En réalité, la situation n'est pas dramatique à ce point. On a beaucoup parlé de la découverte par la Cour des Comptes d'un trou de huit milliards d'euros dans les comptes du gouvernement, mais c'est le genre de trous que des hauts fonctionnaires ingénieux peuvent combler. La volonté du gouvernement français de ramener le déficit au taux prescrit par l'Union européenne cette année est importante pour sa crédibilité à Berlin. Mais ce n'est pas une urgence économique immédiate.  

Bien plus importante que la vertu du déficit budgétaire cette année et l'année prochaine, il y a une mission de longue haleine: remettre les finances publiques de la France sur le chemin du supportable. Et surtout, réduire les dépenses afin de pouvoir alléger les impôts. La réforme du code du travail sera le premier test de la présidence Macron, mais la réforme d'un’État obèse va être un défi encore plus grand.

Actuellement, la dépense publique représente plus de 56 % du PIB français. C'est le taux le plus fort constaté parmi les pays membres de l'OCDE, le club des économies développées. Les salaires de la fonction publique et les coûts d'exploitation sont bien supérieurs à la moyenne de l'OCDE et plus élevées que ceux de l'Allemagne. Les dépenses sociales aussi. Dans certains domaines, comme la santé, c'est de toute évidence le prix à payer pour une qualité de soins enviable. Dans d'autres, comme le logement social, il est moins évident que l'argent soit bien dépensé. Mais comme le souligne l'économiste Olivier Blanchard, même si chaque ligne du livre de dépenses était justifiée, le total est tout simplement trop lourd : il entraine une pression fiscale qui ne peut que comprimer la croissance.

Le discours 'dur' d'Edouard Philippe doit être interprété comme une lettre d'intention. Le gouvernement français s'est fixé des objectifs qui pointent dans la bonne direction : réduire la dépense publique et les impôts. Il n'a pas encore expliqué comment il compte obtenir ces résultats. Des mesures comme le gel des salaires ne sont que provisoires. Il reste un énorme travail à faire pour détailler cette politique et obtenir l'aval de l'opinion publique.

Parmi les priorités, il y a la réforme du système de retraites. M. Macron a dit qu'il s'y attaquerait l'année prochaine. Les dépenses de la sécurité sociale pourraient elles aussi être mieux ciblées. C'est là une occasion de simplifier le millefeuille désespérément inefficace des autorités locales et régionales et de leurs attributions qui se chevauchent.

Mais des réformes de bien plus grande ampleur sont nécessaires. Il est difficile de voir comment elles peuvent être mise en œuvre sans s'attaquer à la rigidité archaïque de l'administration française, qui pèse sur la mobilité de l'emploi et sur la productivité.

Rien de tout cela ne sera simple, surtout après la décision de repousser à plus tard certains allègements de taxes qui auraient pu adoucir la pilule. Les syndicalistes planifient leur grèves contre la réforme du marché du travail. Quand le gouvernement commencera à préciser en détails quelles seront les coupes budgétaire, à l'automne, cela jettera de l'huile sur le feu, c'est inévitable. C'est pourquoi il est si important pour M. Macron d'agir vite, tant qu'il en a l'ascendant. Et de déployer tout son charme et toute sa nouvelle autorité pour convaincre les sceptiques qu'un Etat plus 'mince' leur bénéficiera.