Les incertitudes autour du Brexit coûtent très cher
Les hypothèses de travail des autorités britanniques sont inquiétantes
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La banque d'Angleterre avait déjà émis un avertissement très clair sur les dommages à long terme que les l'incertitudes liées au Brexit pouvaient infliger à l'économie britannique. C'est au tour de l'autorité de régulation, la Prudential Regulation Authority (PRA), de la même Banque d'Angleterre, de mettre en garde contre les risques pour la stabilité financière, et contre les coûts de la neutralisation de ces risques.
Le message global est le même. Aussi longtemps que Westminster est incapable de clarifier la nature des futures relations de la Grande Bretagne avec l'Union européenne, ou de garantir une transition sans à-coups, toute entreprise britannique avec une exposition importante à l'étranger doit prévoir le pire et agir en ce sens. La PRA a donc demandé aux banques et aux assureurs en avril dernier de préparer leurs plans d'urgence, dont un scénario où la Grande Bretagne quitte l'Union européenne sans accord pour préserver son accès au marché unique et aucun plan de transition.
Sam Woods, dirigeant de la PRA, a résumé les inquiétudes les plus pressantes dans une lettre à la Commission parlementaire du Trésor.
La première est le risque d'une dislocation des services financiers et la fragmentation du secteur financier européen. Cette rubrique floue englobe une longue série de points techniques : M. Woods fait allusion de façon oblique, par exemple, à la possibilité que les banques pourraient avoir de transférer les positions ouvertes sur les produits dérivés, qui valent des milliards de milliards (en valeur théorique) aux chambres de compensation européennes.
Le PRA réfléchit aussi à une hypothèse : que le Brexit créera des marchés britanniques et européens totalement séparés pour une série d'actifs à revenus fixes, ce qui conduirait à la duplication des ressources et de la réglementation – et à des coûts majorés pour toutes les personnes impliquées.
La deuxième inquiétude soulevée par le PRA est l'impact d'une récession économique brutale, ou une nouvelle dépréciation soudaine de la livre sterling. Les banques devront être assez solides pour continuer à prêter, même dans un environnement où les défauts de paiement augmenteront et les prix des actifs baisseront.
Là aussi, il y aura un coût, et cela signifie que les banques auront besoin d'un coussin de capitaux. Au-delà des risques pour la stabilité des institutions individuelles, la PRA étudie la probabilité d'un choc systémique dans l’hypothèse où tout le monde se précipitait en même temps pour mettre en place des plans d'urgence.
La réduction à court terme des ressources pour les régulateurs l'inquiète également, comme la complexité plus grande, à long terme, de la surveillance des banques et groupes d' assurances qui restructureront leurs opérations entre leurs filiales au Royaume-Uni et dans l'Union européenne.
Ces scénarios sont loin d'être hypothétiques. Les banques, les assureurs et les activités de courtage ne peuvent pas attendre l’issue des négociations sur le brexit. Il faut bien plus d'un an pour ouvrir une filiale en Europe, si l'on prend en compte le temps nécessaire pour trouver des locaux, embaucher une équipe de direction, solliciter les autorisations réglementaires et tester les systèmes informatiques. S'il n'y a aucune garantie d'un accord de transition, ils doivent agir maintenant. D'ou la rafale d'annonces des dernières semaines : la Deutsche Bank et Citigroup ont opté pour une expansion à Frankfort, Bank of America a choisi Dublin comme principal port d'attache européen et MUFG, la banque japonaise, a élu Amsterdam.
Pour l'instant, la plupart des banques tentent de minimiser les coûts et la disruption entrainés, en transférant un nombre relativement modeste de salariés dans un premier temps. Si l'incertitude persiste, elles pourraient se sentir acculées à faire des ponctions plus importantes. Ce qui sera plus aisé une fois un semblant de pied-à-terre trouvé.
Voici pourquoi les faux fuyants des ministres sur le besoin d'un accord ''standard'' sur la transition est si nuisible. Les ministres du cabinet se rendent centimètre après centimètre au besoin d'une feuille de route de la transition mais sont toujours aussi réticents à admettre que cela va entrainer une politique d'immigration toujours libérale et la prolongation du rôle de la Cour européenne de justice pendant quelques années après le Brexit.
Cette décision a un cout important. La 'deadline' pour atteindre un accord avec Bruxelles est mars 2019 mais la City a besoin de certitudes bien avant cette date.
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